VIDÉOS



Je ne veux pas mourir dans la mer

 

Installation vidéo 

4min32, sable, eau

 

Un paysage parfait que vient briser une onde, une vibration amenée par une fuite.

Un refuge bref mais inconsistent sur une ile trop petite. 

Un moment de répit qui vient troubler. 

Une trêve, comme on viendrait s’accrocher à une bouée à la mer, une pause pour pouvoir subsister. 

Ce temps en suspend est reflété par une étendue d’eau calme et sans perturbation, comme le serait le lac sans cette fugue.

Une mise en abîme qui tient à distance le spectateur témoin de ce moment. 


Il s’agit d’une vidéo réalisée par Héloïse Roueau dans le cadre de ECVP Volume 7 qui est un projet collaboratif de cadavre exquis vidéographique créé et coordonné par Kika Nicolela. 

Ce projet sera exposé début 2020 et a pour nom « The Artist Agitator ». 


Essentiellement axé sur la vidéo-performance, le travail d’Héloïse Roueau réactive les mythes fondateurs de nos civilisations (Ophélie, Perséphone…) pour en interroger l’actualité, et depuis peu personnalise son panthéon (Magdala, Gaïa…). En intimité avec le milieu naturel, qui devient sa scène, elle met en œuvre d’actions qui intensifient sa présence, souvent éprouvée sur le mode de la résistance. L’expérience de son corps est ici pensée à travers le prisme de sa propre féminité, mise en scène dans ses rituels comme autant de manifestations d’archaïsmes qui persévèrent à travers les âges. Noyée, réfugiée sous terre, baptisée ou placée au pied du mur, Héloïse Roueau occupe un interstice où elle place l’humanité face à ses limites, là où pulsion de vie et pulsion de mort s’indifférencient.

 

Dans Magdala, Héloïse Roueau effectue un rituel d’ablution compulsif qui progresse jusqu’à l’épuisement. Plongée dans un lavoir qui fait office de bassin, elle se lave de façon de plus en plus agressive puis plonge entièrement, et répète ce geste qui s’emballe. A mesure de son effort, les algues à la surface laissent apparaître une eau noire, tandis que son ton haletant, proche de l’asphyxie, quasiment en apnée, installe un sentiment d’urgence. Comme un contre-baptême, ce moment de crise, entre répétition et emballement, renvoie à une purification qui n’aboutit pas, comme si elle cherchait à se laver de quelque chose d’indélébile. Allégorie de la contradiction entre la bienveillance généralement attribuée au féminin et la violence de la Terre, Gaïamet en scène cette ambivalence à travers un geste impossible. Comme un nouveau châtiment à la Sisyphe, elle cherche ici à pousser une falaise ou peut-être tenter à s’y fondre dans un acte désespérer aussi vain que poétique. L’artiste fait ici face à son propre échec, mais à un échec assumé, souligné par les cris d’efforts et de douleurs. A terre, aussi effondrée que ce mur minéral qui s’effrite, l’héroïne se rend finalement à l’évidence de son impuissance. La même vanité est exprimée dans Jordane, dans laquelle Héloïse Roueau tente sans espoir de succès de nager à contre-courant, un geste poétique qui exprime toute la force d’une lutte désespérée pour l’existence. 

 

Texte de Florian Gaité pour l'exposition Forest au musée des beaux-arts de Dole, 2019

 

Héloïse Roueau est celle qui fit tomber la grêle. Elle nous propose des vidéos s’articulant autour d’un personnage féminin mythique qu’elle incarne. Elle met en scène cette femme dans ses rapports avec la nature, entre bataille et fusion. Perfectionniste et sans peur, le caractère performatif de ses vidéos est indissociable de son travail. Ses vidéos témoignent de moments de communions absolues.

 

Texte de Camille Limbardet sur les pièces Ophélie et Perséphone pour l'exposition Forêts // Imaginaire à La Maison Laurentine, 2018




Je me suis intéressée à la figure féminine dans son rapport au lieu et à l'autre.
La question de l’attente, du manque jalonne ces vidéos.
Évoquer l’absence dans une forme de perpétuation.
Dans l’idée de vidéos-tableaux, de contemplation, les instants, les moments, si je puis dire, les événements se montrent et ressemblent à ceux des haïkus.

Le lien à la nature, et particulièrement à l’eau, est présent. 

L’idée de tension, de suspension, de sursis, liée au manque, se rend sensible.

La perte se transfigure dans la contemplation et le manque se transpose dans le temps qui passe.
Il s’agit de sentir cette absence et de faire de l’absence une obligatoire présence.

L'absence, le manque deviennent substantiels. 



Une figure féminine oscille entre Éros et Thanatos, fluctuant entre immersion et noyade.

Dans une fusion avec les éléments et leurs énergies et dans une relation performative, je me suis intéressée au rapport du corps au milieu.

Le lien à la nature, à l’eau particulièrement, est présent.

 

Dans l’idée de vidéos-tableaux, de contemplation, les instants, les moments, se montrent et ressemblent à ceux des haïkus.

 



La notion de l'eau est très présente.

L'existence de l'espace et celle du corps sont liées l'une à l'autre.

La lumière découpe le corps et l'espace dans une atmosphère empreinte d'étrangeté, entre rêve et réalité.

Le corps existe par l'espace et l'espace existe par le corps. 
Les personnages sont inscrits dans une oscillation entre solitude et dualité.

 



Je me suis intéressée à la posture, aux gestes, à la relation de l’individu avec un lieu.

Dans cet entrepôt, les personnages sont face aux objets, à la mémoire de ce que l’on a fait, de ce que l’on garde, de ce dont on se détache.  Le spectateur en témoin observe la notion de présence-absence se dessiner. 

La narration est suspendue. 

L’attente, l’affect liés à cette mémoire et les chocs qu’ils induisent sont absorbés par la couverture de déménagement qui accueille la vidéo projection.

 


Dans ces vidéos, il s’agit de questionner le rapport de la figure au lieu, à l’espace. 

Kant parle d’un espace sensible. L’espace serait une condition subjective de la sensibilité et serait dépendant de la représentation humaine.

L’espace est lié à son rapport au corps. Le corps est une identité physique. Par sa posture il remplit cet espace et interagit avec lui. 

 

Dans cette idée des corps et des décors, et sans jamais nommer le récit, trouver un interstice où il se tisse.

Cet interstice je souhaite le laisser dire de la condition humaine.

Par la notion de condition humaine, j’entends donc un concept qui traite des émotions, de la famille, de l’enfance, des relations au monde, aux autres et aux espaces, des aspirations, de la fragilité, de la sensibilité, de la nostalgie, des non-dits, de l’étrangeté, de la mémoire.

L’interstice est l’endroit qui révèle l’humain. Il est entre rêve, fantasme et réalité.

Il parle de nostalgie, de mélancolie, de méditation, de résistance, d ‘assimilation, d’attente, de temps.

Les choses s’expriment dans une presque inexpression .

Présenter un état, une ambiance, une atmosphère, qui se veut être entre rêve et réalité, dans une certaine mélancolie et contemplation.

   

La notion de manque, d'absence substantielle, d'attente, se rend sensible et trouve une matière dans ces images.